Démocratie, systèmes représentatifs et suffrage des femmes en Amérique du Sud (années 1860-années 1880)

Abstract

Ces dernières décennies, des études pionnières sur l’histoire des femmes latino-américaines ont examiné les débats sur les droits des femmes qui eurent lieu au milieu du XIXe siècle dans les pays du Cône Sud (l’Argentine, le Chili, l’Uruguay). Elles ont analysé les voix des hommes et des femmes qui participèrent aux discussions et les différentes positions qu’ils prirent concernant l’accès des femmes à l’enseignement supérieur et aux droits civils. Ces deux questions étaient au centre des revendications en faveur de l’émancipation des femmes. Elles furent discutées dans les magazines et les journaux produits par et pour les femmes qui proliféraient alors. Cette littérature a également suggéré que le suffrage féminin ne faisait pas partie de ces revendications et qu’il y avait peu de personnalités pour le défendre avant la fin des années 1860, époque marquée par l’impact du travail de John Stuart Mill. En 1865 parut la traduction espagnole de son livre Considerations on Representative Government, et en 1872-1873, celle de The Subjection of Women, la première faite par un juriste colombien, Florentino González, et la deuxième par une écrivaine chilienne, Martina Barros Borgoño. Les deux furent publiées au Chili, mais circulaient au-delà des Andes. L’historiographie a considéré ces traductions, tout comme les quelques textes qui en discutaient et promouvaient les droits politiques des femmes, comme des précédents libéraux aux mouvements suffragistes qui émergèrent dans la région dans les années 189027. Mais d’autres recherches sont nécessaires quant à la façon dont la diffusion de ces traductions était liée aux conditions locales, en particulier au pessimisme croissant des élites sud-américaines vis-à-vis des défauts de la représentation politique et des pratiques électorales, attitude qui a conduit ces débats à résonner bien au-delà de la cause des femmes.